La pandémie mondiale de Coronavirus a révélé quelques enjeux stratégiques majeurs pour l’industrie pharmaceutique et les biotechnologies. Comment le secteur des biotechs a-t-il traversé cette crise sanitaire sans précédent ? Quel est son degré de réactivité face aux traitements et vaccins ?

Il faut distinguer deux typologies d’entreprises dans le secteur des biotechs : les petites sociétés, ou start-up innovantes, et les grandes entreprises pharmaceutiques, ou « big pharma ». Les petites entreprises de biotechnologies ont suscité un grand intérêt et profité d’investissements, notamment lorsqu’elles détiennent de nouvelles technologies prometteuses pour la création de vaccins. Ce secteur est donc bien positionné.

Les big pharma sont constitués de géants, tels les britanniques GSK et AstraZeneca, le français Sanofi, l’américain Pfizer et l’allemand Bayer. Lors de la crise sanitaire Covid-19, ces grandes sociétés ont su tisser des partenariats pour partager les risques en termes d’investissement notamment, mais aussi au plan gouvernemental. C’est ainsi que les gouvernements européens (France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, etc.) ont travaillé ensemble pour élaborer un vaccin et partager les risques. Parallèlement, nous constatons que le gouvernement américain a passé une première commande auprès de Pfizer, et que le gouvernement chinois a investi auprès de ces entreprises de premier plan.

Quels sont aujourd’hui les principaux enjeux à relever pour le secteur ?

Le secteur pharmaceutique repose sur des temps longs. La R&D peut requérir une vingtaine d’années pour l’élaboration de nouvelles molécules. A l’issue, moins de 10 % des molécules qui entrent en essais cliniques seront exploitables. Dans le cadre de la crise Covid-19, c’est la vitesse qui compte. Les entreprises du secteur commencent à fabriquer, sans savoir si la molécule sera opérante. Pfizer a investi plus d’un milliard de dollars pour obtenir jusqu’à cent millions de doses cette année. Si leur vaccin n’est pas efficace contre le Coronavirus, c’est une perte, et c’est pourquoi le risque est élevé. La Russie a déjà approuvé un vaccin et a annoncé qu’elle commencera la fabrication en septembre, et l’inoculation du vaccin à grande échelle dans le pays, en octobre. Toutefois, il y a peu d’informations concernant leurs essais cliniques, ce qui est inquiétant.

En quoi le modèle des entreprises de biotechnologies a-t-il été « bousculé » par la crise sanitaire ? Et, quels sont aujourd’hui ses principaux points d’achoppement ? Je note en particulier les questions portant sur la relocalisation de la fabrication de molécules et de matériels de base, comme les masques.

Les molécules à haute valeur ajoutée ne sont pas menacées par les délocalisations. Mais, il est vrai qu’aujourd’hui, plus de 80 % des médicaments, y compris les génériques, sont fabriqués en Chine notamment. C’est pourquoi des pays comme la France se sont sentis vulnérables lors de la crise sanitaire, posant la question d’une relocalisation de la fabrication. Ce n’est malheureusement pas un modèle efficace. Oui, bien sûr, la France pourrait fabriquer sur place, en déléguant cette tâche auprès d’une dizaine, d’une vingtaine de fournisseurs. Les Etats-Unis ont récemment mobilisé un emprunt de 765 millions de dollars pour que la société Kodak puisse fabriquer des composants pharmaceutiques sur le sol américain.

La question est de savoir si ce modèle est efficace pour des médicaments dont les brevets sont tombés dans le domaine public. En adoptant une stratégie de sécurité, les pays introduisent des inefficacités et de multiples redondances dans la chaîne d’approvisionnement. La meilleure réponse est de développer une plus grande collaboration entre les nations, en particulier en Europe, avec la Chine et les Etats-Unis.

A votre connaissance, quelles sont les avancées en termes de R&D pour les traitements et vaccins ?

L’entreprise allemande, BioNTech, une toute petite société du medtech, a mis au point une nouvelle technologie prometteuse : « ARN Messenger ». Pfizer et BioNTech travaillent ensemble dans cette aventure et cette collaboration pourrait générer une innovation disruptive comme il n’y en a jamais eu précédemment pour le développement d’un vaccin. Toutefois l’espoir et la conviction dans cette technologie sont tels, que le prix de l’action en bourse de BioNTech est passé de 16,5 dollars en en novembre 2019 à plus de 100 dollars en juillet 2020. La fabrication, qui constitue le coût essentiel, devrait démarrer avec Pfizer en août 2020. La FDA (Food and Drug Administration), aux Etats-Unis, devrait donner son aval pour la mise sur le marché en octobre. Mais si la technologie ne s’avère pas efficace, les pertes seront colossales.

Quels sont les principaux enseignements de cette crise pour le secteur ?

L’impact de la crise Covid-19 devrait être majeur dans l’industrie des biotechnologies d’ici cinq à dix ans. Nous pouvons constater l’intérêt pour le secteur des jeunes chercheurs et scientifiques, des investisseurs et des gouvernements. Ce n’est pas sans rappeler la course à la conquête de l’espace entre les Etats-Unis et l’Union Soviétique dans les années 1950-1970. Cet intérêt mondial avait produit des avancées technologiques sans précédent, en favorisant le développement de nombreux secteurs, comme l’informatique et le numérique, et ce, bien au-delà du secteur spatial. On peut imaginer la même situation dans le secteur des biotechs, et la même compétition pour se trouver dans le peloton de tête afin d’être celui qui sera prêt à affronter une nouvelle pandémie.
Ce qui est certain, c’est que la collaboration devrait être renforcée, en particulier entre la Chine, les Etats-Unis et l’Europe. La stratégie du chacun pour soi n’est pas tenable dans un contexte de pandémie mondiale.

Source programme MS Biotechnology and Pharmaceutical Management. Grenoble Ecole de Management Sept 2020

 

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